Inspiration 101

Voilà un petit moment que le Souffle numérique ne s’est plus intéressé aux jeunes auteurs, et il est plus que temps d’y remédier ! Histoire de se faire pardonner, ce n’est pas un article que je vais vous propose jeunes (ou moins jeunes) écrivains talentueux, mais tout un cours, qui s’étalera en plusieurs billets, proposés tout au long de la semaine. Et comme je ne fais pas les choses à moitié, je vous propose tout une présentation powerpoint à grand renfort de cliparts, qui vous rappellera. le meilleur des années 90 ! Alors signez la feuille de présence, prenez vos carnets de notes et installez-vous : c’est parti !

Bienvenue à tous dans le cours d’introduction à l’inspiration. Je peux vous promettre que vous ne serez pas déçus d’avoir choisi ce module pour démarrer. Au pire du pire, comme je vois que vous avez tous amené vos ordinateurs, vous êtes libres de lancer quelques jeux en flash, de twitter un peu ou d’aller surfer ailleurs si l’envie vous en prend, mais je trouverai ça bien dommage !

Le but de ce cours est de vous en apprendre un peu plus sur l’inspiration. Comme tout auteur qui se respecte, vous avez certainement l’angoisse de la page blanche, la peur de ne plus voir les anges vous souffler à l’oreille. Abandonnez cette peur ! Quelques leçons, et vous devriez parvenir à la vaincre. Oui, même vous, les névrosés du premier rang qui prenez déjà frénétiquement des notes alors que je n’ai encore rien dit d’intéressant sur les 224 mots écrits jusque là !

Juste une seconde que je prépare le powerpoint… Hop, voilà qui est fait !

Slide 1 : qu’est-ce que l’inspiration ?

L’inspiration, c’est tout un programme. Certains auteurs la glorifient jusqu’à lui attribuer un caractère divin, certains disent ne rien pouvoir faire sans elle, certains l’utilisent à toutes les sauces. Il faut dire qu’on perd bien souvent le sens original du mot inspiration. J’entends parfois certains d’entre vous, au sortir d’un devoir par exemple, demander fébrilement à leurs camarades « T’as été inspiré ? ». C’est là une bien mauvaise utilisation du terme inspiration, puisque c’est avant tout à vos connaissances, à votre travail qu’il faut vous fier pour réussir, et non à l’inspiration.

Le plus simple, pour mettre tout le monde d’accord, est de vous donner une définition reconnue du terme « inspiration » :

Influence
Idée qui pousse à la création, idée soudaine

Nous aurons volontiers écarté les sens peu utiles pour notre cours, comme la simple action de respirer… Mais tant qu’à perdre un cours à parler de l’inspiration, autant dépasser la simple définition… Voyons plutôt ce que l’inspiration, cette idée qui pousse à la création, prend comme place dans l’écriture.

Slide 2 : L’inspiration est-elle nécessaire pour écrire ?

En soi, il ne faut pas être inspiré pour écrire un bon livre. L’élève méthodique appliquera soigneusement ses différentes méthodes de travail. Il choisira le genre de son récit, le point de vue du narrateur, écrira son plan sur le brouillon, peaufinera un peu les péripéties et les personnages, et écrira avec application un livre tout à fait correct, et qui se laisse lire. Je lui mettrais un bon 13/20 à cet élève, une note bien honorable.

L’inspiration, c’est ce qui lui permettra d’avoir un 17/20! C’est la petite touche qui lui permettra de s’emporter dans son récit, de pousser les personnages au-delà de leurs limites, bref, de dépasser le simple cadre du travail. Eh, les glandeurs qui papotent au fond de la salle : je sais que vous aurez retenu que l’inspiration vous permettra d’avoir un 17. C’est complètement faux ! Le travail vous permettra d’avoir un 13. L’inspiration, elle, ne vous offre que 4 misérables points !

Pour répondre tardivement à la question du premier slide, l’inspiration est donc une poussée, une aide, mais en rien un moteur. Vous aurez la volonté d’écrire un livre, l’inspiration vous aidera à le faire.

Slide 3 : Place de l’inspiration dans le processus créatif

Le titre de cette slide est pompeux ? C’est normal les gamins ! Nous sommes dans un cours institutionnel après tout, il faut envoyer du rêve au cas-où vos parents nous regardent, qu’ils n’aient pas l’impression qu’on brasse du vent ! Le processus créatif disions nous : l’envie d’écrire un livre, le travail d’écrire un livre, la volonté de finir la rédaction d’un livre. Ou est l’inspiration dans tout ça ?

Encore une fois, les gens ont tendance à donner trop d’importance à l’inspiration, ce qui véhicule des clichés persistants et donne une image faussée de l’écriture. On décrira volontiers un auteur talentueux comme touché par la grâce de l’inspiration. Cela véhicule deux clichés : celui de l’auteur né, et celui de l’inspiration comme moteur de l’écriture.

L’auteur né pour commencer, est l’illusion qu’une personne nait auteur ou ne l’est pas, qu’il suffit à l’auteur né de prendre une plume et un parchemin pour coucher un chef d’œuvre. Régulièrement, un éditeur malin déniche un jeune talent pré-pubère qu’il annonce comme le nouveau Proust, bas processus marketing qui véhicule le cliché de l’auteur né. Personne ne nait auteur, chaque premier écrit est un raté, quel que soit le talent de son auteur, tout comme les premiers croquis des grands peintres n’étaient que de pâles gribouillis.

Le drame de l’auteur né -et je m’adresse encore à vous les glandeurs du dernier rang, qui ne m’écoutez pas, trop occupés à retravailler vos cheveux mi-longs pour leur donner un air vaguement contestataire- est qu’il donne l’impression aux jeunes auteurs d’être des artistes maudits. Ils rédigent de véritables bouses emplies de mots si compliqués qu’ils les comprennent à peine, et ne se remettent jamais en question quand on leur explique qu’ils sont mauvais. Ce sont les mêmes qui viennent me voir avec leurs parents enragés quand je leur remets un 03/20 après une dissertation ratée.

Deuxième cliché : l’inspiration comme moteur de l’écriture. Sans s’en rendre compte, de nombreux auteurs attribuent tout leur talent à l’inspiration, ce qui les bloque au plus haut point dans leur écriture. Attendre l’inspiration, c’est reconnaître que c’est l’inspiration qui écrit vos textes, et non vous. C’est donc vous dédouaner de vos œuvres pour les attribuer à une entité quasi mystique et cesser d’écrire à la moindre « panne d’inspiration ». Si l’inspiration ne vous veut pas, c’est qu’elle a trouvé une marionnette plus douée ! Inutile de persévérer : abandonnez purement et simplement l’écriture pour une matière qui n’exigera pas de manifestation divine.

Vous pouvez aussi, et ce serait plus sérieux, abandonner l’idée que votre inspiration est un moteur. Vous ne vous sentez pas d’écrire aujourd’hui, vous ne vous sentez pas touché par les anges ? Essayez quand même ! Parfois, ce n’est pas l’inspiration qui vous abandonne, mais plutôt la flemme qui vous prend ! De récentes études prouvent qu’il est d’ailleurs très fréquent de confondre ces deux phénomènes. Et si vous accordez malgré tout une foi sans faille à l’inspiration, dites-vous bien qu’elle vous rejoindra au moment de la relecture de votre œuvre. Pour le moment, l’important est d’avancer, avec ou sans elle, et de terminer votre ouvrage.

Intercours

Ne serait-ce pas le son de la cloche qui résonne ? Déjà un cours de passé ? Ce n’est pas si mal, je voyais déjà certains d’entre vous s’assoupir, les yeux rendus lourds par un week-end passé à festoyer ! Je vous laisse donc à vos occupations. Pas de devoirs pour aujourd’hui, contentez-vous de relire vos notes. On se revoit mercredi, on reprendra le cours où nous l’avons laissé, et soyez à l’heure !

Oh, et pour les plus fayots d’entre vous, je reste disponible à l’intercours, alors n’oubliez pas d’utiliser les commentaires pour me poser vos questions. A bientôt !

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12 réflexions sur “Inspiration 101

  1. Je ne suis pas auteur, et donc ne me prononcerait pas vraiment sur le fond…
    Juste un point, concernant l’inspiration comme moteur de l’écriture, en renvoyant vers ce billet (en anglais) d’une de mes auteurs préférés : http://www.cherryh.com/WaveWithoutAShore/?p=3566.
    Dans ce bilet, C.J.Cherryh (auteur pour le moins expérimentée http://fr.wikipedia.org/wiki/C._J._Cherryh ) raconte comment, malgré de nombreux soucis (santés, deuils, habitat, etc.) et obstacles, elle a continué à écrire.

    « I honestly, for the first time since I was ten years old, thought I couldn’t write any longer—worse, I was no longer sure I wanted to. It became daily discipline, getting to work, writing ten lines, at least ten lines. I tried to impose self-discipline. I edited Chernevog on days when the current writing just couldn’t make sense to me. Crises interrupted me. I couldn’t remember what I’d written, where I was, who was whom—thank goodness for my little book of general notes. »

    (Traduit)
    « J’ai honnêtement pensé, pour la première fois depuis que j’ai eu 10 ans , que je ne pouvais plus écrire. Pire, je n’étais plus sûre d’en avoir envie. Celà devint une discipline quiotidienne, aller travailler, écrire dix lignes, au moins dix lignes. J’ai tenté de m’auto-discipliner. J’ai corrigé Chernevog que l’écriture n’avait aucun sens pour moi. Les problèmes m’intérrompaient. Je n’arrivais plus à me souvenir de ce que j’avais écrite, de qui était qui — dieu merci j’avais mon carnet de notes. »

    Et finalement, après des années de galères, elle a fini par réussir avec sa colocataire, faire revenir l’inspiration…

    Si vous lisez l’anglais, je vous invite à lire le billet.

  2. M’sieur M’sieur ! Y’a Stéph qui dit que vous dites que des conneries, que la muse l’habite, lui, et que vous êtes qu’un écrivain raté qui ne sait pas reconnaître le génie, c’est vrai m’sieur ?

    (c’était cadeau, ça :P)

    • M’sieur, M’sieur ! Pauline elle dit ça pass’que Steph il lui a jeté des crottes de nez ! J’te jure m’sieur ! Même que le génie, c’est moi qui l’ai !

      • Maiheux ! C’est même pas vrai !
        Moi je crois que vous êtes un super prof ! Steph et SFReader c’est que des jaloux ! ***yeux qui brillent***
        Dites Monsieur, je sens parfaitement ce que vous voulez dire, vous comprenez ? ***lèvres humectées***
        Les autres ne comprennent pas l’intérêt majeur de vos cours, j’ai vraiment envie de m’investir totalement dans ce métier ***Boubiboobs en avant***
        Vous n’envisageriez pas de faire des… « cours particuliers » ?
        J’ai vraiment envie de réussir, vous comprenez !
        ***Oups la bretelle de soutif qui tombe sur l’épaule, pardon, j’ai pas fait exprès hihihi et gloussement de poule***

      • On se calme les enfants ! Pour la peine Steph, tu iras voir la vilaine directrice que tous les élèves détestent : Madame Doudelet. Quant à toi Paumadou, on ne fait pas d’avances à un prof de… Euh, un prof de quoi d’ailleurs ? Enfin bref, un vrai prof de matière imaginaire pour auteurs est tellement dédié à l’art et à la littérature qu’il n’accorde plus d’importance aux plaisirs terrestres !

        PS : en plus le truc flippant c’est de parler comme une gosse de huit ans dans un commentaire, puis de faire des avances dans le suivant ! J’aurais dû vous censurer tous autant que vous êtes les enfants !

  3. LOL! Et j’ai raté ça! Bon, je me rattrape…

    J’ai écrit un post il y a presque un an sur la discipline vs l’inspiration, mais limité à mon cas très perso (http://asiamorela.wordpress.com/2011/04/08/discipline-and-inspiration/). Je pense que cela dépend effectivement de ce qu’on appelle « l’inspiration »… Par exemple, je défends l’inspiration contre la discipline (je suis bien obligée, vu que j’aurais un zéro en discipline si c’était noté), mais pour moi l’inspiration n’est pas une sorte de transe qui s’empare de nous. Je pense au contraire qu’il y a énormément de volonté là-dedans; parvenir à être inspiré, c’est un peu comme parvenir à méditer ou à se relaxer. Cela demande une grande maîtrise de soi, un grand contrôle. Lorsque je ne suis pas « inspirée », j’accepte de reconnaître que c’est de ma faute. Mais parfois on n’y arrive juste pas, et je ne me forcerai jamais à écrire lorsque je ne suis pas inspirée…

    D’ailleurs, on croit que c’est spécifique à l’écriture, mais j’applique ce principe à tout dans la vie. Si ça ne me tente pas de faire quelque chose, je ne la fais jamais. Je ne supporte pas de faire des trucs à contrecoeur ou même, comme disent les anglos, avec la moitié du coeur. 100% ou rien (bon, allez, disons au moins 80%).

    • Merci pour ton lien !

      Je pense que ma vision de l’inspiration est très proche de la tienne car pour moi aussi elle se travaille et s’invoque, même s’il peut arriver de ne simplement pas être en état pour être inspiré. L’important est de ne pas se laisser démoraliser quand l’inspiration ne vient pas… Et l’écriture est une discipline comme une autre, comme tu le dis on peut appliquer certains conseils d’écritures dans la « vraie vie » !

      Je te remercie pour tes nombreux commentaires et ta fidélité, ils me font vraiment plaisir ! 😉

  4. J’ai pris note je vous poserais des question dès que je serai bloqué dans l’écriture de mon oeuvre. Merci

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