Le triste vieil homme et la mer

Les numéricos ne seront pas passés à côté de cette nouvelle qui a fait grand bruit fin de semaine dernière, et s’est rapidement traduit sous le joli sobriquet de #Gallimerde sur les réseaux sociaux. Pour resituer rapidement en passant les détails : François Bon, créateur de la maison d’édition Publie.net, a eu la mauvaise surprise d’apprendre que Gallimard, qu’on ne présente plus, a sommé à tous les distributeurs de Publie.net d’ôter l’un des titres de l’éditeur pure player de leur catalogue.

L’objet du délit ? Une traduction du Vieil homme et la mer, d’Ernest Hemingway, faite il y a peu par François Bon et vendue en 22 exemplaires avant que Gallimard n’intervienne. Le pourquoi de l’intervention ? Contrairement à ce que pensait François Bon, le titre n’était pas tombé dans le domaine public, tout du moins pas aux Etats-Unis ni en France, si bien que Gallimard avait encore tous les droits sur cette œuvre dont la dernière traduction française remonte à 1954.

Tout part donc d’un imbroglio au sujet des droits d’auteurs, l’œuvre étant tombée dans le domaine public au Canada mais pas aux Etats-Unis. En toute bonne foi, François Bon -heureux et impatient de savoir l’œuvre tombée dans le domaine public- avait simplement décidé de la traduire d’une manière plus personnelle et certainement plus actuelle, par amour pour cette œuvre.

Passée la vague de protestations et d’incompréhension des numéricos, l’erreur de François Bon a vite été soulignée : le créateur de Publie.net n’était pas dans son droit, Gallimard avait donc tout à fait raison d’exiger son retrait. Sur le plan purement légal, l’affaire devrait s’arrêter là. Seulement sur le plan humain, rien ne s’arrête là, et les détracteurs de Gallimard dans cette affaire ont toutes les raisons de montrer les dents.

La méthode pour commencer, a tout de discutable. C’est bien aux distributeurs que Gallimard s’est adressé, et non pas à l’éditeur (qui dans ce cas précis est également l’auteur du texte incriminé, raison de plus pour s’adresser à lui). Comprenons donc le désarroi de François Bon qui a appris la nouvelle par des tiers. C’est ici un manque évident de considération de Gallimard pour Publie.net, comme si le problème était purement financier, mercantile, sans aucune prise en compte de la démarche éditoriale de la chose.

 C’est aussi une volonté purement hostile : s’adresser à Publie.net aurait été le moyen d’arranger les choses à l’amiable, de laisser à François Bon l’occasion de justifier, voire de s’excuser pour cette erreur bien malencontreuse. Plutôt que cela, Gallimard à préféré discréditer Publie.net auprès de ses distributeurs, sans même un avertissement, sans même ne serait-ce qu’un mail automatique.

L’hostilité, est la deuxième raison qui pousse à mépriser Gallimard dans cette affaire. Car hostilité il y a. L’éditeur a immédiatement parlé de poursuivre Publie.net dans cette affaire (même s’il ne le fera pas), pour les 22 copies illégalement écoulées. 22 copies à 2,99€ chacune, soit 65,78€ honteusement détournés par Publie.net, sans prendre en compte la part des distributeurs ni les frais éditoriaux. Un pécule, pas même le prix d’une vingtaine d’éditions poche du même livre vendu par Gallimard, qui aura eu plus d’un demi-siècle pour amortir ses frais.  Et on parle de poursuites judiciaires.

Encore une fois, Gallimard est dans son droit, mais Gallimard doit certainement savoir ce que représente le terme de « poursuites judiciaires » pour une maison d’édition telle que Publie.net. Ne nous voilons pas la face, et au risque de décevoir les plus naïfs d’entre vous : un éditeur 100% numérique francophone ne fait pas d’argent aujourd’hui, ou plutôt en fait très peu. Le marché payant de l’édition numérique est loin d’être développé en France, et les bests-sellers des pure player se comptent, au mieux, en centaines d’exemplaires vendus. L’argent gagné avec les ventes du vieil homme et la mer ne servirait même pas à payer le déplacement d’un avocat !

Autrement dit, nous sommes dans une situation où Gallimard pourrait purement et simplement écraser Publie.net sous sa large semelle. Parlons humainement encore une fois -même si j’ai conscience que l’édition est avant tout un business, surtout pour les grands tels que Gallimard-, par ses actes, Gallimard ne condamne pas un manque de respect au droit d’auteur, elle condamne Publie.net et tous ses auteurs, les années de travail de François Bon, son acharnement pour une cause presque perdue.

Je ne connais pas personnellement François Bon, mais il est aisé de comprendre que Gallimard condamne également un engagement personnel fort. Le simple fait que cette œuvre d’Hemingway soit la cause de l’affaire est d’autant plus déchirant, puisque c’est une œuvre qui représente beaucoup pour lui, et qu’il a certainement traduit avec les tripes et le cœur.

Certes, Gallimard -qui revient souvent sur le devant de la scène pour de nombreuses affaires de plagiats, plagiats sur des auteurs bien vivants j’entends- pourra se défendre derrière le bouclier de la loi. Gallimard pourra arguer, comme il l’a fait, qu’il se doit de défendre les œuvres et les auteurs. Seulement Hemingway, rappelons-le, s’est tiré une balle dans la tête le 2 juillet 1961. Difficile de défendre un mort. Quant à son œuvre, est-ce vraiment la respecter que de laisser circuler une traduction si ancienne, quand tant de passionnés tels que François Bon donneraient cher pour la traduire à nouveau, pour lui redonner vie.

 Je déplore vraiment cette situation car elle est caricaturale au possible. Les grands méchants éditeurs pleins de frics, sans une once de considération pour l’art et l’écriture, viennent écraser les petits éditeurs passionnés et dévoués à la littérature. Moi qui disais il y a peu que tout n’est pas tout noir ou tout blanc, je commence à avoir des doutes…

Quelques liens pour en savoir plus :

Résumé complet de la situation par le principal intéressé : François Bon, sur le Tiers Livre

Article de Numérama sur l’affaire

Article de Slate.fr expliquant le souci du droit d’auteur

Crédits photo

22 réflexions sur “Le triste vieil homme et la mer

  1. S’il semble établi que François Bon ait fait une erreur en pensant Le Vieil Homme et la Mer dans le domaine public, je pense que tu vas un peu vite en disant que Gallimard est dans son droit.

    Nous ne connaissons pas le contrat qui lie Gallimard à Hemingway (ou plus exactement à ses ayants droits). Bien que je sois prêt à donner le bénéfice du doute à Gallimard, il n’est pas certains qu’ils aient effectivement les droits exclusifs (notamment en format numérique) sur l’exploitation sur le territoire français du Vieil Homme. Seul le contrat pourrait le démontre, et nous ne l’avons vu nul part.

    Si l’affaire devait aller aux tribunaux, ce serait à mon avis à Gallimard de présenter ce contrat devant le juge.

    Ce qui n’absolverais pas bien sûr Publie.Net, qui a par ailleurs commercialisé une oeuvre dérivée (traduction) d’une oeuvre protégée par le droit d’auteur. Mais je ne suis pas sûr que ce soit à Gallimard dans ce cas de se retourner contre Publie.Net plutôt que les ayants droits d’Hemingway.

  2. Je trouve que tu résumes très bien la situation ainsi que les problèmes qu’elle soulève. Avec internet et les nouvelles technologies, c’est tout le droit d’auteur qui est remis en cause. Je ne connais pas vraiment la position des auteurs, qui n’ont d’ailleurs surement pas tous le même avis sur la question. Les éditeurs traditionnels en revanche ont l’air d’être à la tête de ce combat pour la conservation des droits d’auteur tels qu’ils sont actuellement. Alors comment équilibrer entre rémunération des auteurs et acteurs de l’économie numérique et le partage de la culture ? Si quelqu’un a des liens vers des articles intéressants, je lui en serai reconnaissant… 😉

  3. Pingback: Le triste vieil homme et la mer | MotsNumériques | Scoop.it

  4. (Ok, je ne dis plus rien concernant les sujets de tes articles. Motus et bouche cousue. Ok, ok, j’assume. Va falloir que je vive avec ça. Trouver de la place dans mon agenda pour laisser des commentaires dans ton blog)

    Deux choses :
    1. Claro a également pondu un article sympa sur le sujet : http://towardgrace.blogspot.com/2012/02/gallimard-la-amer.html
    2. J’invite ceux qui désireraient obtenir cette traduction de François Bon à me contacter (free of course)

    Bisou (ok, faudra s’habituer)

    • Publie.net via sa plateforme de distribution Immateriel.fr a des pratiques tout aussi douteuses que Gallimard mais vis-à-vis de ses clients et en particulier des bibliothèques.

      Les livres de publie.net téléchargeables sont sans DRM. Après avoir téléchargé et payé des fichiers de Publie.net via la plateforme epagine pour les copier sur les cinq liseuses en prêt de notre médiathèque, Immateriel a décidé sans AUCUN avertissement de couper le téléchargement.

      La raison ? Nous sommes une médiathèque. Et malgré notre engagement à ne copier les fichiers que sur 5 machines et à avertir nos lecteurs sur l’interdiction de copier pour eux-mêmes ces fichiers, Immateriel et donc aussi Publie.net ont refusés de nous autoriser à acheter leurs fichiers. Tout devant passer par leur plateforme de streaming – fort onéreuse – prévue pour les médiathèque.

      Ne comptez donc pas sur moi pour défendre F. Bon sur cette affaire de droit d’auteur avec Gallimard. Bon et Publie.net sont pris à leur propre jeu et ne valent pas mieux que Gallimard.

      Pour moi la seule solution vraiment coopérative – pour les auteurs certes mais aussi pour les lecteurs – consisterait à ce que les œuvres soient en licences libres. Les choses seraient plus claires. Il ne suffit pas de refuser les DRM. Il faut aller au bout de la logique. Sinon les DRM qui autorisent une copie limitée pour les médiathèques sont une meilleure solution que le refus de DRM avec interdiction de téléchargement pour les médiathèques…

      • @Un bibliothécaire
        Peut-être déjà faudrait-t-il arrêter un peu avec les détournements « immatériel » « virtuel » etc (ceci ne s’adresse pas à vous!) et reconnaitre que dans le contexte de l’édition numérique, il est urgent de passer de « j’ai acheter un fichier », à « si j’ai acheté une licence(droit d’accés) à vie pour cette publication, ça marche et puis c’est tout ». C’est cela qui permettrait de vraiment changer la perception de la chose, mais cela impliquerait aussi un nouveau rôle « tiers de confiance », un peu plus développé ci dessous :

        Concepts économie numérique draft


        ou texte (2007, à revoir) :

        Cliquer pour accéder à copies_licences.pdf

  5. Pingback: Défendons François Bon | L’Oreille tendue

  6. @TheSFreader Je suis loin d’être un expert en droit d’auteur (je suis loin d’être un expert en tout malheureusement 🙂 ) mais j’ose penser que Gallimard n’emploie pas de telles démarches sans être sûr de son affaire. De ce que j’ai pu lire, Gallimard était d’ailleurs tenu de faire respecter ces droits, vis-à-vis des ayant droits. En France en tout cas, on peut croire que c’était bien à eux d’agir sur ce terrain, même si encore une fois, ils l’ont fait de la pire des manières.

    @Mathieu Mon résumé manque d’une réflexion sur la durée du droit d’auteur, mais après les réflexions sur le piratage de la semaine dernière, je tenais à préserver nos cerveaux ! Mais comme je vois que tu t’y intéresses dans ton commentaire, tu vas nous forcer à en parler !

    Les droits d’auteurs me paraissent clairement détournés de leur rôle initial : s’assurer que l’auteur soit rémunéré pour son travail. Etablir un système où les droits d’auteurs sont étalés sur 70 ans, c’est admettre que l’auteur sera mort et enterré sans doute bien avant de rejoindre le domaine public, c’est donc admettre que les droits d’auteur n’ont pas véritablement à voir avec l’auteur lui-même.

    @AMP Difficile de passer à côté de cette affaire quand on surveille l’édition numérique française ! Donc le sujet n’a rien de très original ! Merci pour le lien !

    @Un bibliothécaire Je suis assez mal placé pour répondre à votre commentaire, puisque peu familiarisé avec les solutions de streaming de Publie.net. Tout ce que je sais, c’est que les abonnements bibliothèque permettent à l’éditeur de ne pas mettre la clef sous la porte. Je peux comprendre votre colère, mais comprenez bien que, contrairement à Gallimard, Publie.net génère assez peu d’argent.

    Le mieux est peut-être de contacter directement les concernés…

    Passer de « sans DRM » à « Licence libre » serait un bon plus que risqué. Le « sans DRM » ne limite pas l’utilisation du fichier, son utilisateur peut utiliser le fichier comme il le désire. Mais le livre vendu sans DRM par Publie.net est tout de même tout droit réservé, c’est-à-dire que le lecteur ne peut pas le retoucher, le distribuer, le modifier, etc. La licence libre permettrait aux lecteurs de retoucher les œuvres, voire de les revendre ou de les utiliser pour n’importe quelle fin. Cela irait à l’encontre de toute démarche éditoriale, et n’aiderait à rémunérer ni l’auteur ni l’éditeur.

    Merci pour vos commentaires !

    • Effectivement, je viens de voir un article « confirmant » que Gallimard aurait la « responsabilité » des droits des ayants droits d’Hemingway pour la France. Dans ce cas, il est probable qu’ils aient effectivmeent le droit pour eux. Après, je suis tout à fait convaincu qu’il y a eu des soucis dans la manière.

      Enfin, reste à voir la justification de ces 70 ans, qui me semblent pour le moins exagérés.

    • @Sediter

      L’anecdote que je relate fait suite à des contacts avec les intéressés à savoir Immateriel qui distribue les fichiers de Publie.net ainsi que la librairie avec laquelle nous sommes en marché – il ne faut pas oublier les libraires aussi dans cette chaîne. Il est bien évident que lorsque nous avons constaté que nous ne pouvions plus télécharger les fichiers de cet éditeur nous avons chercher à savoir pourquoi. C’est notre libraire qui nous a communiqué le problème. En gros il proposait des fichiers de Publie.net pour les médiathèques en téléchargement sans que cet éditeur autorise ce type de transaction. La raison étant d’une part que leurs fichiers sont sans DRM et donc que Publie.net craint une copie sans limite de la part des usagers des médiathèques et d’autre part que l’offre se présente exclusivement en streaming pour les bibliothèques.

      Bref bien que la démarche de Publie.net soit louable sur le plan éditorial, elle n’est pas non plus exempte de défauts en particulier pour les bibliothèques. Nous avons demandé à nos interlocuteurs une sorte de contrat de « confiance » dans lequel nous nous engagions à ne copier que 5 fois les fichiers et à avertir nos lecteurs qu’il était interdit de les copier illégalement voire même à leur faire signer un papier en ce sens. Ou bien il aurait été possible pour l’éditeur de majorer le prix pour les médiathèques en prenant en compte le risque de piratage. Mais nous n’avons jamais eu de réponse. La seule possibilité est l’offre streaming.

      Sur les licences libres, elles sont modulables. La licence CC by-nc-nd par exemple n’autorise que la copie et non la modification et l’utilisation commerciale par un tiers. Je rappelle que le Wu Ming en Italie vend des milliers d’exemplaires de ses livres papiers tout en autorisant gratuitement le téléchargement de ceux-ci en numérique en licences CC.

      La démarche de Publie.net montre à mon avis les limites du tout numérique actuellement. Le numérique offre des possibilités d’écriture et de créations très intéressantes et les œuvres de Publie.net le montrent amplement. Mais que je sache quand F. Bon veut vendre, il publie en papier. Se borner à du numérique et le faire payer trop cher à des acteurs non commerciaux de la lecture comme les médiathèques est une erreur à mon sens.

      • Et bien ma foi merci pour ces précisions et cette critique très constructive. Je comprends tout à fait votre point de vue. Et en effet, le numérique tâtonne encore dans son modèle économique. Il est très intéressant d’avoir le point de vue d’un bibliothécaire sur cette affaire.

  7. Bonjour,

    Nous sommes toujours ouverts à la discussion, mais nous n’avons jamais vu un quelconque intérêt à entamer avec les bibliothèques des expérimentations qui ne pourront avoir aucune application concrète par la suite. Nous refusons toujours de vendre aux bibliothèques des fichiers de publie.net ou d’autres éditeurs que nous distribuons, et la confiance n’a rien à voir là-dedans, même si elle ne suffit pas. Vos usagers auraient beau s’engager par écrit, il n’en resterait pas moins que les fichiers pourraient circuler parmi eux ou en dehors de leur cercle sans limitation dans le temps, et j’insiste sur ce point car au contraire d’un support physique un ficher ne s’usera jamais à force d’être lu, déplacé ou transporté. Je pose la question suivante : aurait-on osé demander à Robert Laffont, Albin Michel ou Gallimard de se contenter d’un contrat de confiance, et d’autoriser des usagers à télécharger librement des fichiers sans DRM sur les liseuses de votre bibliothèque ? Permettez-moi d’en douter, mais la question ne se pose pas, puisque ces maisons sont de toute manière absentes du paysage. Les auteurs de publie.net n’ont pas moins de droits que ceux de ces maisons.

    Nous essayons de construire une offre, qui sera peut-être incompatible avec vos liseuses, mais la lecture numérique ne se limite pas à ces supports, et c’est là la base de ce système d’abonnements vendus via les libraires. Si nous avons lancé parmi nos abonnés une enquête de satisfaction la semaine dernière, c’est pour recueillir ce type de critique et tenter de nous améliorer, je vous remercie donc d’y avoir répondu et d’avoir fait part de votre avis sur ce blog.

    • @Élisa Boulard

      Bonjour,

      >Nous sommes toujours ouverts à la discussion, mais nous n’avons jamais vu un >quelconque intérêt à entamer avec les bibliothèques des expérimentations qui ne pourront >avoir aucune application concrète par la suite.

      C’est noté pour la discussion. Pour l’expérimentation c’est dommage dans la mesure où le champ de la lecture numérique s’y prête bien. D’autre part je ne vois pas ce qui vous fait dire qu’il n’y aurait aucune application concrète suite à cette éventuelle expérimentation.

      >Nous refusons toujours de vendre aux bibliothèques des fichiers de publie.net ou d’autres >éditeurs que nous distribuons, et la confiance n’a rien à voir là-dedans, même si elle ne >suffit pas.

      C’est votre droit. C’est le notre de trouver cela regrettable.

      >Vos usagers auraient beau s’engager par écrit, il n’en resterait pas moins que les fichiers >pourraient circuler parmi eux ou en dehors de leur cercle sans limitation dans le temps, et >j’insiste sur ce point car au contraire d’un support physique un ficher ne s’usera jamais à >force d’être lu, déplacé ou transporté.

      Pour ce qui est du caractère inusable d’un fichier ce n’est pas tout à fait vrai. Sans sauvegarde régulière sur différents supports, les données sont vulnérables car les supports sont fragiles. Disque dur et autres supports de stockage ont une durée de vie beaucoup plus courte que certains livres. Par ailleurs, en vertu du règlement de notre médiathèque voté par arrêté municipal (et de celui de la plupart des structures de lecture publique en France) nos abonnés doivent respecter le droit d’auteur. Si en plus ils s’engagent par écrit à ne pas copier vos fichiers et qu’ils le font alors vous êtes tout simplement en droit de les poursuivre.

      >Je pose la question suivante : aurait-on osé demander à Robert Laffont, Albin Michel ou >Gallimard de se contenter d’un contrat de confiance, et d’autoriser des usagers à >télécharger librement des fichiers sans DRM sur les liseuses de votre bibliothèque ? >Permettez-moi d’en douter, mais la question ne se pose pas, puisque ces maisons sont de >toute manière absentes du paysage.

      La plupart des grandes maisons d’éditions mettent des DRM sur leurs fichiers. En dépit de tout ce qu’on peut dire sur cette manière de faire, au moins les choses sont claires. La DRM limite le nombre de copies : la médiathèque sait qu’elle peut copier mettons 5 fois le fichier et les usagers ne le pourront pas.

      >Les auteurs de publie.net n’ont pas moins de droits que ceux de ces maisons.

      Je n’ai jamais dit le contraire. Il se trouve pourtant que le billet sous lequel nous faisons nos commentaires concerne justement des soucis de Publie.net avec le droit d’auteur concernant une traduction. C’est un peu facile d’invoquer le droit d’auteur uniquement quand ça arrange. En tant que bibliothèque, nous défendons le droit de lire. Le droit d’être lu devrait à mon sens être le premier souci d’un auteur. Une bibliothèque a vocation à prêter des documents ou des objets. Nous prêtons des liseuses. Nous mettons du contenu sur ces liseuses. Nous pensions qu’il était intéressant de mettre des œuvres de Publie.net dessus. Vous nous répondez que cela nuirait aux droits des auteurs – en termes financiers et patrimoniaux devrais-je préciser. Très bien. Vous pourriez comme cela se fait pour les CD – qui sont aussi parfaitement copiables en fichiers et qui sont pourtant prêtés en bibliothèque – prendre en compte cette nuisance en facturant plus cher les fichiers pour les médiathèques. Manifestement ce n’est pas prévu. Tant pis. Nos lecteurs liront sur les liseuses les fichiers des grandes maisons d’édition avec DRM et basta.

      >Nous essayons de construire une offre, qui sera peut-être incompatible avec vos liseuses, >mais la lecture numérique ne se limite pas à ces supports, et c’est là la base de ce système >d’abonnements vendus via les libraires.

      Certes mais vous qui vous vous vantez de prendre en compte les retours utilisateurs, sachez que lire un livre en entier sur un écran d’ordinateur est souvent très mal accepté par le public. Sur une tablette, c’est déjà mieux. Une liseuse est vraiment faite pour lire un livre numérique. Nous aurons bientôt des liseuses connectées, votre offre ne sera donc pas totalement incompatible. Mais il existe d’autres prestataires qui diffusent Publie.net.

      >Si nous avons lancé parmi nos abonnés une enquête de satisfaction la semaine dernière, >c’est pour recueillir ce type de critique et tenter de nous améliorer, je vous remercie donc >d’y avoir répondu et d’avoir fait part de votre avis sur ce blog.

      J’ai répondu à votre enquête de satisfaction car nous sommes clients chez vous justement suite à cette histoire. Et je vous propose d’ailleurs de continuer la discussion par mail par respect pour l’auteur de ce blog.

      • Je ne suis pas l’auteur de ce blog.
        Pour autant, auteur d’un autre, il faut bien avouer que je chéris justement ce genre de discussion « transverses ».

        Par ailleurs, bien que je ne sois pas partie prenante de celle-ci, je la trouve très intéressante, et souhaiterais si possible continuer d’en être spectateur 😉

        Enfin, et pour terminer, si je suis CONTRE les DRMs de manière générale, il faut bien avouer que le domaine des bibliothèques/médiathèques est pour ainsi dire le SEUL endroit où je trouve qu’ils pourraient être acceptable, voir même justifié. (A condition bien sûr que la médiathèque conserve un original non crypté).

        Pour ma part, bien que je comprenne le principe du Streaming, il faut bien dire que pour moi, une bibliothèque est un lieu d’emprunt des ouvrages bien plus qu’un lieu de consultation sur place de ceux ci… Ce qui me rend la solution « Streaming » assez peu intéressante.

      • @Un bibliothécaire : Merci de cette petite attention ! Le débat ne me dérange pas tant qu’il reste juste et poli, et je vous trouve justement très objectif et respectueux. La réponse d’Élisa Boulard ici montre qu’Immateriel accorde de l’intérêt au ressenti de ses clients, même s’il n’est pas difficile de comprendre que le sujet est délicat et ne sera pas résolu en quelques échanges.

        Tout comme TheSFreader, ces échanges m’intéressent, et gagneraient d’ailleurs à être approfondis, car il est assez rare de recevoir des points de vue autre que les seuls auteurs/lecteurs/éditeurs. Cependant, par respect pour Immateriel et son travail, et aussi pour faciliter l’avancée de votre cas, je pense que vous gagneriez à les contacter directement.

        Vous êtes néanmoins plus que bienvenue pour porter les conclusions de votre échange ici, et continuer de développer votre propre expérience du numérique en tant que bibliothécaire, comme vous l’avez si bien fait jusqu’ici !

  8. Je me pose la question d’une licence CC dans le cadre d’un usage non commercial.

    Une bibliothèque n’est pas un lieu de vente, mais est-ce un lieu non commercial ?

    A partir du moment où :

    – La bibliothèque fait payer une cotisation à ses abonnés. La médiathèque où je vais, par exemple est gratuite pour les habitants de la ville. Mais les personnes étrangères à la ville, eux, payent leur abonnement (assez cher d’ailleurs). Etant l’une des plus grosses et intéressantes médiathèque publique de la métropole lilloise, ils sont nombreux. Pour moi, cela en fait un lieu commercial car il y a un échange de service contre de l’argent, même si ce service n’est pas au même tarif pour tout le monde. Même si il n’y a pas bénéfices nets (je suppose que ça ne couvre pas les frais de fonctionnement)
    Dans ce cas, l’usage « non commercial » ne peut pas s’appliquer (je rappelle que c’est l’usage dans un but commercial, et non pas le simple fait d’en tirer directement de l’argent)

    – La bibliothèque fait payer des amendes ou les prêts : pareil, ce n’est pas le cas partout, certaines ne font payer ni les prêts, ni les retards. Mais il n’empêche que certaines bibliothèques encaissent de l’argent (même symbolique), pour moi, cela en fait un usage commercial (il y a échange d’argent contre service – prêt ou autorisation de retard)

    La licence libre a usage non-commercial, c’est un « code d’honneur », car l’usage commercial n’est pas uniquement le fait de vendre le produit. (l’utilisation d’une musique dans le cadre d’une publicité par exemple est un usage commercial)
    A partir du moment où l’on récupère de l’argent directement ou indirectement, grâce à l’usage du produit, on entre dans l’usage commercial. D’où je trouve l’aberration de demander une licence non-commerciale pour une bibliothèque (à moins qu’elle soit totalement exempte du moindre échange d’argent entre elle et ses usagers pour ses services)

    Il faudrait également une information à la licence libre et au respect du droit aux auteurs et éditeurs d’être rémunéré. Distribué en licence libre, ce n’est pas avoir le livre à disposition plus facilement, c’est un engagement militant pour la licence libre. Et donc une réelle information vis à vis des usagers régulièrement, au quotidien, dans l’enceinte de la bibliothèque. Un simple formulaire, ce n’est pas une sensibilisation, c’est un papier de plus à signer… ça n’engage à rien juridiquement puisque jamais, on ne viendra embêter l’abonné avec la copie qu’il a faite et distribuée. Et d’un point de vue licence libre, c’est aberrant : ça n’explique pas le principe aux abonnés.
    Cela n’est absolument pas abordé par notre ami bibliothécaire qui ne voit la problématique du côté « bibliothécaire qui ne peut plus prêter le livre ».

    (pour info: certains de mes textes sont un licence libre NC et d’autres non, par choix et parce que j’entoure mes textes de sensibilisation à la rémunération de l’auteur et à son respect. Un peu comme The SFReader, je suis contre les DRM, mais en bibliothèque, je trouverais ça logique vu qu’il n’y a jamais aucune information sur les rémunérations des auteurs/éditeurs ou même des licences libres auprès des usagers…)

    • @Paumadou

      La médiathèque où je travaille est gratuite pour tous quelque soit le lieu de résidence. Nous n’avons pas d’amende pour les retards, juste des lettres de rappel.

      Par ailleurs nous sensibilisons le public au libre, il est vrai pour l’instant surtout sur le plan des logiciels mais sans jamais oublier la philosophie qui va avec. Une association locale d’utilisateurs de logiciels libres nous aide beaucoup sur ce point : ateliers, conférences. Nous ne sommes pas la seule médiathèque à faire cela. Mais il serait en effet intéressant de porter la sensibilisation sur le droit d’auteur en général.

      Plus globalement, je ne pense pas qu’on puisse considérer les bibliothèques comme des structures ayant un usage d’une œuvre à des fins commerciales. Mais c’est un vaste débat et il est d’ailleurs révélateur que certains comme vous se posent aujourd’hui la question. Beaucoup de choses ont en effet été faites pour confondre médiathèques et centres commerciaux…

      @TheSFReader

      L’offre streaming d’Immateriel n’est pas uniquement en sur place. Elle comprend aussi une possibilité d’accès distant pour les abonnés de la médiathèque : depuis chez eux par exemple. Mais le tarif est assez prohibitif.

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